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A l'heure de l'ordinateur et de la photocopieuse, on n'imagine pas toujours le travail et l'ingéniosité que devaient déployer les enseignants des siècles passés pour mettre à disposition des élèves des documents de travail individuels (résumés, fiches d'exercices etc.). La Pédagogie Freinet, dont l'un des pôles est la communication comme motivation naturelle à l'expression, a largement développé et facilité les techniques de reproduction et d'illustration accessibles aux enseignants et aux élèves.
A la main
Les technologies inexistantes, la pénurie de manuels scolaires de l'après-guerre (de 1939/1945) et la misère financière de beaucoup d'écoles et d'administrations ont imposé ce moyen quasi-unique de multiplication des documents. Le papier-carbone, peu courant dans les écoles, ne donne pas de bons résultats avant l'introduction du stylo-bille (1945).Copie au tableau
Le texte (énoncé de problème, résumé de leçon...) est écrit au tableau par le maître ou un élève doté d'une belle écriture, chacun doit le recopier sur le cahier correspondant. Plus fiable que la dictée, cette méthode n'est pourtant pas infaillible. Elle fut cependant la seule possible, pendant longtemps, pour communiquer les sujets d'épreuves aux candidats aux examens .
Cette méthode a souvent servi pour les circulaires administratives : l'Inspecteur Primaire, dénué de moyens matériels et de secrétariat, remettait à chaque "cantonnier" (directeur de l'école du chef-lieu de canton) un exemplaire de ses circulaires, que les élèves de la classe des grands devaient recopier par ce procédé. Evidemment, le langage administratif leur étant étranger, les enfants ajoutaient fréquemment quelques fantaisies orthographiques qui déchaînaient la colère angoissée du maître, soucieux de ne pas présenter à sa hiérarchie et à ses collègues ruraux une image défavorable de sa classe. Ces circulaires étaient ensuite mises dans des enveloppes de récupération, retournées comme des gants pour un second service, la pénurie de fournitures frappant là aussi. De plus, malgré la franchise postale entre les établissements (qui a existé jusque dans les années 1970), les plis étaient souvent acheminés vers les villages par des élèves du Cours Complémentaire, qui, comme les facteurs, faisaient le trajet à bicyclette.
Copie à la maison
Le maître donne le texte à un élève, celui-ci le recopie et passe l'original et sa copie à deux camarades qui, à leur tour, ... etc.
Les erreurs se cumulent, et il arrive que, en bout de chaîne, on ait des choses bizarres ! Exemple vécu : le texte original parlait du minerai de fer lorrain non exploité en 1870 car phosphateux (minette), texte devenu après plusieurs recopies, "phosphate à Minetta"...La Pierre Humide, la Pâte à polycopier
Dérivées de la lithographie, ces méthodes peu coûteuses ont eu du succès au milieu du XXe siècle.
Un original, établi avec une encre grasse sur un papier couché, peu absorbant, est transféré sur un support (plaque de gélatine de quelques millimètres d'épaisseur). L'encre grasse s'y dépose, donnant une image symétrique de l'original. On obtient un tirage en appliquant sur ce support une feuille de papier ordinaire humectée, qui absorbe un peu de l'encre du cliché et se retrouve, par une deuxième inversion, conforme à l'original.
Ce procédé permet de reproduire des documents mixtes, texte manuscrit et dessin. On peut utiliser des encres de couleurs différentes sur un même document. La préparation et le nettoyage (à l'eau) du support sont assez laborieux, le nombre des tirages lisibles est souvent limité à une petite trentaine.
Le procédé sera perfectionné vers les années 1960 dans les Duplicateurs à alcool : le support gélatine est remplacé par une feuille de fort papier couché sur laquelle, grâce à un papier carbone spécial (dit hectographique) placé sous la feuille, on peut créer un original inversé qui sera fixé sur un tambour puis "pompé" par un papier imprégné d'alcool à brûler ou d'un liquide spécial inodore. La manipulation est plus ou moins automatisée : humectation de la feuille de tirage par un feutre fixé à un réservoir d'alcool, prise automatique du papier feuille à feuille, entraînement par manivelle ou moteur, compteur de tirages. Le développement de la machine à écrire permettra en outre d'avoir des textes plus proches de l'imprimé, les matrices hectographiques pouvant y être confectionnées.
Plus de nettoyage, les matrices non épuisées peuvent être conservées pour des tirages ultérieurs (on atteint facilement la centaine).L'Imprimerie
Surtout utilisé à des fins pédagogiques dans les techniques Freinet, ce moyen demande beaucoup de temps pour la préparation des originaux (composition caractère par caractère). En revanche il permet des tirages illimités. Il a surtout été utilisé pour la confection de journaux scolaires. Les illustrations sont faites par le procédé de la linogravure : une plaque de linoléum est entaillée avec de petites gouges pour ne laisser affleurer que les parties à encrer. Le produit sera ensuite inséré dans la composition à imprimer, parmi les paragraphes de texte.
Lui aussi largement utilisé dans la pédagogie Freinet, il est plus souple et plus rapide que l'imprimerie, et demande beaucoup moins de matériel. Il utilise le stencil, comme dans les machines de bureautique professionnelle Ronéo et Gestetner. Ce support mince mais résistant est microperforé lorsque, posé sur une plaque métallique striée comme une lime fine (d'où son nom), on écrit ou dessine dessus avec un stylet. On le pose ensuite sur la feuille de tirage et on y passe un rouleau encreur : l'encre traverse la matrice aux endroits perforés, et se dépose sur la feuille du tirage. Un appareil simple facilite ces manipulations (cadres de bois). Les tampons de caoutchouc
Toutes les disciplines s'y prêtent : Géographie (cartes), sciences (croquis), exercices de lecture, de grammaire ou de calcul ...
Leur grand avantage est qu'ils peuvent appliquer leurs tracés directement sur les pages des cahiers. Mais ils ne permettent aucune modification, aussi beaucoup d'enseignants désireux d'adapter leurs outils à leurs intentions pédagogiques les ont-ils peu utilisés.